L'agenda médiatique à l'épreuve des réseaux sociaux

Publié le par François Kuss

Parce que les médias sociaux n'existaient pas il y a encore dix ans, parce que leur démocratisation et leur usage n'étaient pas encore si large il y a ne serait-ce que cinq petites années, force est d'admettre que leur rôle dans la définition de l'agenda médiatique demeure pour l'heure, relativement sous-estimé.

 

Quelques prémices avaient déjà émergé lorsqu'en 2005, à l'occasion du référendum sur le traité constitutionnel européen, des bloggueurs porteur du NON avaient fait irruption dans le débat médiatique qui fonctionnait en vase-clos autour du OUI, démontrant ainsi qu'au delà de l'opinion publiée, il existait une opinion publique qui pensait autrement.

 

Depuis, la déferlante des médias sociaux a fait de tout citoyen non seulement le récepteur d'une communication descendante traditionnelle de la part des médias et des institutions, mais avant tout un émetteur de contenus (vidéos, photos, articles, inforgaphies, etc..).

 

Or, de ce postulat renversé, il appartient désormais à tout acteur du champs de la communication (publique ou privée, institutionnelle ou politique), d'en tenir compte. Fini le temps où l'agenda médiatique était sagement défini par les élus, les grandes marques, les grandes institutions (associations, syndicats, groupes d'intérêts etc..) ou les rédactions seules. Fini le temps du storytelling unilatéral.

 

Parce que tout le monde s'estime le droit, à l'ère du numérique, d'avoir quelque chose à dire et surtout parce qu'à présent tout le monde à des moyens infiniment plus performant pour le partager, le faire savoir, le faire recommander, les relations publiques deviennent aujourd'hui, de plus en plus dépendantes des médias sociaux.

 

En effet, qu'ils soient grand public (facebook compte 26 millions d'utilisateurs actifs en France), plus spécialisés (twitter compte 4 millions de comptes) ou même professionnels (viadeo, linkedin, etc..) ; ces outils concourent aujourd'hui tout autant à l'émergence d'un sujet qui, potentiellement, fera la Une et les gros titres des journaux du lendemain qu'une dépêche AFP, graal encore incontesté mais sans doute en perte de vitesse des relations presse.

 

Comment expliquer le phénomène des "pigeons", ces patrons en colère qui ont voulu faire part de leurs revendications anti-fiscales contre le gouvernement et leur irruption dans l'agenda médiatique sans les réseaux sociaux ? Une page fan sur facebook, un "hashtag" (un mot balise) sur twitter, et voilà comment une fronde classique qui jadis, n'aurait pas forcément intéressée les rédactions abreuvées de communiqués de presse devient un phénomène médiatique.

 

Ces jours-ci, période oblige, c'est au tour du maire du Puy-en-Velay de faire les frais d'un buzzword (un mot qui fait rumeur) pour avoir interdit une "marche de zoombies" à l'approche des fêtes de la Toussaint. Quelles que soient les motivations de l'édile qui pratique allègremment dans le cadre des primaires de l'UMP les outils de webmarketing modernes que sont les médias sociaux (pour ne pas le citer Laurent Wauquiez), comment ne pas voir dans le phénomène médiatique qui s'est crée autour de sa décision la marque de la puissance d'un tweet ? Car en effet tout vient d'un article posté dans un blog inconnu des rédactions parisiennes qui, relayé sur la toile, en a fait le tour grâce aux médias sociaux.

 

Faut-il se réjouir d'une ère où la parole, jadis sacrée, des institutions, devient indistincte parmi les prises de paroles des citoyens ? Pour ma part c'est le cas, car même si un "buzzword" peut vite devenir, grâce au bon ou au mauvais usage des médias sociaux, un "badbuzz", même si le fact-cheking peut être ressenti comme une atteinte par les acteurs publics et privés à leur monopole de la "parole légitime" pour paraphraser Weber, il s'agit avant tout d'un progrés démocratique qui doit permettre aux médias, aux institutions, aux grandes marques, de ne plus considérer l'agenda médiatique comme leur bien particulier, comme le jouet de leurs envies et de leur caprice mais comme un dialogue, un échange permanent avec les citoyens qu'ils souhaitent informer, représenter, ou tout simplement toucher.

 

Bienvenue dans l'ère des relations publiques 2.0 !

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