Ce toit tranquille, où marchent des colombes

Publié le par François Kuss

Au commencement de mes recherches, pris de cette envie, de ce besoin de jeter sur le papier le fruit de mon imagination, l'idée d'un roman historique était là, bien ancrée, mais sans cesse confrontée à ce doute, lancinant, celui d'être capable de bâtir une intrigue solide et cohérente, attractive, prenante pour tenir en haleine le lecteur.

Petit à petit, de nombreus800px-Vernet-port-Sette.jpges pistes sont venues donner corps à cet immense jet d'orgueil qui m'a poussé à commettre un roman, et me pousse, je l'avoue, à déjà penser à des suites possibles !

Pour la notoriété de mon héros, il eut été préférable de lui faire faire ses débuts dans la capitale, d'autant que je comptais situer l'intrigue peu avant ou au tout début de la Révolution Française. Paris offrait un cadre plus propice à imaginer des intrigues, des écheveaux complexes, des complots de toute nature..

Mais avant que de glorifier les pages grandioses de la Grande Patrie et de la "Grande Révolution" comme disaient les républicains du XIXème siècle, pages que les livres d'histoire nous enseignent comme étant enserrées dans les murs de  Paris, j'avoue avoir cédé à l'idée de retracer, avec de nombreuses libertés il est vrai, l'histoire de ma "Petite Patrie", de ce Languedoc natal dont je n'ai pas forcément reçu en héritage les fortes traditions puisque, somme toute, entre une ascendance paternelle alsacienne et une ascendance maternelle espagnole à la troisième génération, on ne peut dire que la trajectoire de ma famille se mêle inextricablement à ma ville natale depuis des lustres..

Pour autant, une irrésistible envie de célébrer à mon tour, "ce toit tranquille où marchent les colombes" comme le dit admirablement Valéry dans son célébrissime poème "Le Cimetière Marin" grandit au fur et à mesure de mes lectures, de mes recherches, de mes premiers écrits jetés sur des carnet ou sur mon ordinateur.

Redécouvrir Sète, ou plutôt "Cette" comme on disait alors, et le Languedoc du XVIIIème siècle fut une entreprise non seulement instructive mais passionnante, car cette ville qui aujourd'hui est indissociablement liée à la mémoire de Valéry, Vilar et de Brassens dans l'imaginaire collectif, cette île singulière n'était alors qu'un petit port de moins de 10.000 âmes, sous tutelle d'Agde, la cité rivale voisine, ville de l'Evêque.

Un port au développement encore incertain, ville de garnison menacée par la piraterie, repère de nombreux contrebandiers, mais dont les potentialités pointaient déjà sous l'Ancien Régime finissant : battelerie en plein essor avec le Canal du Midi, début d'implantation d'industries salinières et vinicoles, soif croissante d'autonomie locale exprimée par les bourgeois de la ville vis-à-vis d'Agde qui donneront lieu notamment à des révoltes contre le maire nommé par l'Evêque en 1787, etc.

De cette vie portuaire, de ces soubresauts qui témoignent d'une crise de croissance à la fin de l'Ancien Régime, des traditions désormais séculaires au premier rang desquelles figurent les "Joutes Languedociennes" dont Sète est la "mère-patrie" tant ses habitants ont élevé ce sport au rang d'un art et d'un mode de vie, je ne pouvais que trouver matière à faire un roman, mixé avec mon goût de la Révolution.

Ce toit tranquille où marchent les colombes ne fut certes pas, historiquement, un haut-lieu du combat contre l'absolutisme, mais prit néanmoins toute sa part aux évènements qui précipitèrent la monarchie de droit divin. Le Complot des Salines est librement inspiré de ces petits faits d'armes, parfois infimes mais qui, par leur récurrence partout en France en appui aux grandes prouesses du peuple de Paris, ont contribué à mettre à bas un régime et une dynastie.

Si Paris méritait bien une messe, Cette méritait bien un roman..

Illustration : Port de Cette, Pierre Joseph-Vernet (1714 - 1789)
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